14/01/2014
16 décembre 2013
Existe-t-il un management au féminin ?
C’est en lisant le chapitre consacré aux femmes de "Merde à la déprime", le dernier opus "coup de gueule" de Jacques Séguéla, et en rencontrant au quotidien toutes ces femmes hôtelières rayonnantes et dont le professionnalisme n’est plus à prouver, que l’idée d’une table ronde consacrée aux femmes dans l’hôtellerie de luxe est née.
"Les femmes ont par dessus tout une qualité : l’Empathie, ce don de sentir d’emblée la personne qui est en face pour la diriger sans la brusquer", voilà la vision des femmes que Jacques Séguéla nous livre. Et cette pensée prend tout son sens quand on l’applique aux femmes qui dirigent avec brio des établissements hôteliers.
Loin de moi l’idée d’organiser une rencontre sexiste ou bassement féministe, il s’agissait de réunir quelques femmes qui comptent dans l’hôtellerie de luxe et d’échanger de manière informelle sur leur quotidien.
Heureuse initiative qui s’est soldée par un échange enrichissant, rafraîchissant et tellement rassurant !
Une fois les préceptes de cette réunion posés, les langues se sont très vite déliées conférant au rendez-vous des allures de tea-time parisien.
Mais ne vous y trompez pas, les discussions ont été extrêmement sérieuses et constructives et se sont articulées autour de deux axes principaux.
Il s’agissait tout d’abord de mettre à jour les difficultés particulières, s’il en est, que les femmes peuvent être appelées à rencontrer au cours de leur carrière dans l’hôtellerie.
Mais également de souligner ce que les femmes sont susceptibles d’apporter de spécifique à ce métier.
Les femmes ont par dessus tout une qualité : l’Empathie, ce don de sentir d’emblée la personne qui est en face pour la diriger sans la brusquer
Jacques Séguéla
Avez-vous rencontré des difficultés liées à votre statut de femme au cours de votre carrière dans l’hôtellerie ?
Il existe de fait un auto-frein non négligeable aux carrières féminines dans l’hôtellerie : la famille.
Mais si toutes s’accordent à reconnaître qu’allier travail et vie de famille n’est pas toujours chose aisée, il n’en demeure pas moins que ce problème est le même pour toutes les femmes qui exercent une activité professionnelle quel que soit le secteur. Et qu’il est très largement surmontable avec un peu d’organisation.
Bien sûr, les femmes qui occupent des postes à responsabilité dans l’hôtellerie doivent être très disponibles, et ce à des dates ou des horaires parfois contraignants, bien sûr elles ne bénéficient d’aucun passe droit car si la loi interdit le travail de nuit pour les femmes dans certains secteurs comme l’industrie, la convention collective hôtelière n’accorde aucune dérogation particulière à leur égard.
Mais elles crient toutes haut et fort que quand on est passionnée et qu’on aime son métier, on trouve toujours une solution pour s’organiser sans que la qualité de la vie de famille n’en soit altérée.
Alors que Laurence Bloch, la pétillante Directrice du Plaza Athénée, notait que les femmes gagnent de plus en plus de terrain dans le secteur HTR et accèdent à des postes clé, Nazan Erol, qui occupe la fonction de Directrice Générale Adjointe de Turkish Airlines et qui considère que son métier est très proche de celui de l’hôtellerie, soulignait le côté pragmatique des femmes dont la faculté, en tant que mère de famille, à tout gérer en même temps leur permet de suivre et de mener à bien 3 dossiers à la fois !
Anne Marie Lefèvre, Consultante en recrutement du cabinet AJ Conseil, confirme, pour sa part, qu’on ne ressent pas de sexisme particulier dans les demandes des recruteurs, ce qui est plutôt rassurant.
On constate en effet lors du recrutement qu’en général la première impression est la bonne. Il y a une rencontre, la découverte d’une personnalité, une entente et on ne sait pas à l’avance si ce sera un homme ou une femme qui conviendra au poste.
Et Laurence Bloch de reprendre que finalement la loi sur la parité est très "sexiste" car elle crée des obligations et des freins sur les compétences alors qu’il lui semblait que cette parité se faisait naturellement depuis des années.
D’autant plus que les femmes ont toujours été très présentes dans l’hôtellerie mais plutôt à des postes de marketing ou de communication alors qu’aujourd’hui elles sont en passe d’acquérir une légitimité qui leur permet d’accéder à de postes de DG.
Nous n’avons jamais été freinées dans nos carrières parce que nous étions des femmes
A la question de savoir si les femmes doivent faire davantage leurs preuves que les hommes, Anne Levioux, la Directrice de l’hôtel Le Six, répond que si le propriétaire de l’hôtel n’a jamais travaillé auparavant avec une femme, il est possible qu’il cherche à tester ses capacités d’hôtelière au départ et soit sans concession mais cela ne dure jamais longtemps et elle n’a pas souvenir d’avoir rencontré de problème de ce type.
Finalement, toutes s’accordent à dire qu’elles n’ont jamais été freinées dans leurs carrières parce qu’elles étaient des femmes.
Une première question somme toute éludée très rapidement car pourquoi créer un problème là où il n’y en n’a pas !!
Quelles qualités spécifiques les femmes peuvent-elles apporter à l’hôtellerie ? Quelles sont les particularités du management au féminin ?
Quand on évoque l’éventualité de définir un management au féminin, très vite quelques mots font l’unanimité.
Ainsi, Karine Coulanges, la charismatique Directrice de Skal International, souligne-t-elle que l’un des atouts majeurs des femmes est leur empathie qui leur permet de comprendre mieux que les hommes les soucis ou les requêtes de leurs collaborateurs.
Anne Baudron, la Directrice de l’hôtel Le Pradey confirme que les femmes sont en effet beaucoup plus douées en termes de cohésion d’équipe car elles s’intéressent de près à leurs collaborateurs qu’elles connaissent bien et qu’elles assistent au quotidien.
Les participantes s’accordent également à dire que les femmes sont généralement beaucoup plus communicantes que les hommes et privilégient toujours le dialogue aussi bien avec les équipes qu’avec les clients.
Christiane Straube, qui dirige l’hôtel Edmond confirme de son côté que les femmes tissent des liens plus affectifs avec leurs établissements, leurs équipes et les clients que les hommes. On constate d’ailleurs aujourd’hui un recrutement féminin massif à la tête des boutiques hôtels parisiens.
Pour ce qui concerne les prises de décision, Laurence Bloch met en lumière un aspect tout à fait intéressant du fonctionnement des femmes en indiquant qu’elles prennent généralement moins de risques que les hommes qui sont davantage dans le challenge.
L’intelligence de la femme, c’est d’avoir moins d’ego que les hommes, d’accepter de ne pas tout savoir et de savoir s’entourer de conseils avisés pour pouvoir faire comme si on savait !!
Peut-être aussi ne prenons-nous que des risques calculés car nous sommes davantage rattachés à la vie de par nos enfants. Nous prenons en effet plus le temps d’analyser et nous recherchons certainement plus la sécurité.
Et puis, parce que nous nous devions tout de même d’être un peu féministes, une remarque assez réaliste (dont l’auteure restera anonyme !) clôture cette question : "L’intelligence de la femme, c’est d’avoir moins d’ego que les hommes, d’accepter de ne pas tout savoir et de savoir s’entourer de conseils avisés pour pouvoir faire comme si on savait !!".
La conclusion de l’après-midi est lancée par Christiane Straube qui affirme fort justement qu’il ne faut surtout pas porter de jugement extrême, que nous sommes complémentaires et que finalement la richesse de nos métiers vient de ce mélange de compétences et de qualités apportées par les hommes et les femmes.
Coup d’essai réussi pour cette première table ronde et il est fort à parier que l’expérience sera renouvelée sur la demande insistante de toute l’assemblée.
Rendez-vous est donc pris au printemps avec un cercle élargi.